Méthodologie

Numérisation, Géoréférencement et vectorisation de cartes.

Toutes les cartes doivent être numérisées en format .tiff ou .png avant de pouvoir être géoréférencées. S’il n’a pas été possible de géoréférencer les cartes sino-vietnamiennes en notre possession, en revanche, le positionnement précis des cartes françaises des XIXe et XXe siècles, ainsi que des photos aériennes, a permis de travailler sur le réseau hydrographique de la région.

La vectorisation de l’hydrographie (c’est-à-dire la copie du tracé de chaque voie d’eau dans un logiciel dédié au système d’information géographique, tel ArcGis de la société ESRI) rend alors possible des comparaisons valides sur l’évolution des cours d’eau. On a pu ainsi comparer des cartes vectorisées de 1883, 1889,1893, du début et du milieu du XXe siècle.

Le processus du système d’information géographique met l’accent sur la flexibilité du paysage. C’est une aide pour reconstruire l’évolution du paysage et pour comprendre le processus du peuplement à travers les siècles. La superposition des couches sur les cartes vectorisées rend visible les zones de concentration et les zones stériles et la comparaison des différentes vectorisations montre que, sur une échelle de 70 ans, le principal réseau hydrologique change peu, sauf en largeur et par le mouvement des bancs de sable, tandis que le réseau secondaire se modifie et se densifie.

Le système d’information géographique permet de distinguer les changements dus à l’action humaine (routes, urbanisation) des changements géologiques (affaissement de sols, érosion). Il semble donc possible d’étendre le raisonnement confirmé par l’étude des cartes vectorisées aux époques anciennes, grâce à une étude complémentaire des textes.

Ainsi, tous les sites sont situés dans des plaines sujettes à l’intrusion de l’eau salée. Le positionnement par GPS des sites anciens permet de les repérer aisément sur les cartes. Il apparaît que les réponses à la salinisation des sols sont différentes selon les époques : les sites cam sont, le plus souvent, construits sur des élévations de terrain, tandis qu’avec l’occupation Nguyễn, le réseau hydrologique secondaire s’est intensifié – par stabilisation des marécages –probablement à cause de la densité accrue de population. Le développement des réseaux de canaux a certainement permis alors de gagner des terres cultivables et de désaliniser le sol.

Une fine confrontation entre les tracés vectorisés des différentes cartes des XIXème et XXème siècles et les sources textuelles tant sino-vietnamiennes qu’occidentales reste donc à être menée. Elle permettra probablement de constater que les problématiques environnementales paraissent autant déterminer l’histoire que les questions humaines.

Illustration de la méthodologie avec la comparaison entre deux cartes de 1883 :

a/ une carte française dressée par le Service Géographique de l’Indochine (Archives Nationales d’Outre-Mer FRANOM Asie 106_01)

b/ Géographie Descriptive de l’Empereur Dong Khanh (éditée en 2003 : Ngô Đức Thọ, Nguyễn Vǎn Nguyên, Philippe Papin (2003), Đồng Khánh địa dư chí = Géographie descriptive de l’empereur Đồng Khánh = The descriptive geography of the Emperor Đồng Khánh , Hà Nội : Thế giới).

On peut clairement voir que le paysage lagunaire avec la capitale Huế et les ouvertures sur la mer ne sont pas représentés de la même manière, car la perspective n’est pas identique. Les Français mesurent le territoire ; les Vietnamiens le décrivent. La carte vietnamienne ne peut être utilisée que si l’on intègre dans l’analyse le texte écrit autour et dans le document, qui précise les distances, les caractéristiques géographiques.

Le cercle jaune repère la capitale Huế. Le cercle orangé au Nord situe la passe dite de Thuan An, principal accès à la mer à cette époque. Le cercle orangé au Sud situe la lagune de Cau Hai qui ouvre sur la passe dite de Tu Hien ; c’est le seul accès dont on peut attester l’existence dès l’époque cam, car il est surplombé par un site du 12ème ou du 13ème siècle.